Par Ryoko Sekiguchi
Au début, c’était un produit de luxe, offert comme cadeau ou parfois en salaire aux gens de la haute société. Il se dégustait alors seul, avec les grains de soja encore formés, et non comme base de préparation culinaire. Au 13e siècle, l’outil permettant d’écraser les grains de miso est introduit depuis la Chine. Il n’en faudra pas plus pour que les Japonais inventent la soupe de miso. Il faudra cependant attendre quelques siècles pour que les paysans nippons commencent à fabriquer leur propre miso, et qu’il se répande largement comme produit de conservation.
Les grands seigneurs de guerre des 15e et 16e siècles l’apprécient car il est relativement facile à transporter en campagne une fois séché ou grillé et qu’il représente une excellente source de protéines, ce qui compte pour l’efficacité d’une troupe. La fabrication du miso est donc encouragée dans chaque province, chacune développant ses propres méthodes.
À l’époque d’Edo, le nombre de restaurants et échoppes dans les rues se développe et du même coup, le répertoire de plats à base de miso s’enrichit. Une encyclopédie culinaire du 17e siècle affirme « qu’il ne faut pas passer un jour sans miso » car « la douceur du soja calme l’esprit, relaxe le ventre et vivifie le sang, chasse les maux. La douceur du kôji pénètre l’estomac et rend la circulation fluide, favorise la digestion, donne l’énergie et pousse la circulation du sang ».
Ces dix dernières années, avec la mode de la cuisine japonaise, l’exportation du miso a été multipliée par 10 (10.083 tonnes en 2012), et il est aujourd’hui apprécié dans de nombreux autres pays.
Jusque dans les années 60, chaque famille, au Japon, préparait son miso pour toute l’année. Aujourd’hui la plupart des foyers achètent le miso tout fait. L’aspect positif de cette évolution est que l’on ne se limite plus au seul, « miso maison » ; les goûts culinaires se sont ouverts sur différents types de miso qu’on choisira en fonction de l’usage qu’on souhaite en faire.
Des dizaines de variétés
de miso
La base du miso est très simple : du soja, du kôji (champignon qui stimule la fermentation) et du sel. Mais selon le type et les proportions de chacun de ces ingrédients, la méthode de fabrication et bien évidemment les conditions climatiques ou la durée de fermentation, le goût, la saveur, la couleur et la consistance du miso varient du tout au tout. De ce fait, chaque région a développé ses propres traditions selon les utilisations des différents miso.
On distingue tout d’abord trois grandes catégories de miso suivant le type de kôji utilisé : Le kome-miso élaboré à partir de kôji de riz, le mugi-miso, de kôji de blé, et le mame-miso, dont le kôji est obtenu à partir de soja. Il est tout à fait possible de faire un assemblage de différents types de miso, qui s’appellera dans ce cas « Awase-miso ». Dans chacune de ces catégories, on distingue l’ama-miso ou miso doux, et le kara-miso, le miso salé. Ensuite, selon le processus d’élaboration, on obtient du « miso rouge » (si le soja est cuit à la vapeur avant fermentation) ou du « miso blanc » (si le soja est cuit à l’eau)
Si vous débutez dans la voie du miso, je vous suggérerais peut-être de commencer par un « awase-miso », au goût standard et qui convient parfaitement à une grande quantité de plats et de recettes. De façon générale, plus la proportion de kôji est élevée et la fermentation courte, plus le goût du miso est doux. Vous pouvez choisir selon votre goût, ou en choisir même plusieurs, selon le type de plat que vous préparez. Aujourd’hui, parmi les misos vendus en grandes surfaces, le « miso avec dashi » est très prisé ; ce type de miso rend la préparation de la soupe miso beaucoup plus simple du fait qu’il n’est plus nécessaire de préparer le dashi à part.
Des utilisations infinies
Le nombre de plats qui utilisent du miso est presqu’infini. Vous pouvez en mettre dans n’importe quel plat : sauté de légumes, à la vapeur, dans une sauce…
Les plats proposés ci-dessous sont facilement réalisables en France.
Misozuke (mariné au miso)
Vous pouvez mariner vos poissons ou viandes dans une sauce à base de miso, dilué avec du saké et du mirin (à défaut, du saké et du sucre fera l’affaire). Le cabillaud, le saumon, le porc, ou le gibier conviennent à ce type de préparation, que vous laisserez mariner deux à trois jours au frigo. Vous nettoierez ensuite les morceaux avant de les griller à la poêle.
Pour obtenir un goût plus « occidental », la marinade peut aussi être constituée d’un mélange de miso et de miel, dont vous enduirez du poulet par exemple, comme la sauce tandoori.
Dengaku miso (Dengaku sauce miso)
Le miso est mélangé avec du sucre (10 : 7) et un peu de saké, mirin et eau. Réchauffez à feu doux jusqu’à ce que l’ensemble prenne une texture de sauce épaisse. Enduisez de sauce des tronçons de navets-daikon, de gros cubes de tofu ou encore d’aubergine et passez au grill… Ce plat s’appelle « Dengaku ». Mais la sauce autorise maintes variations, par ajout d’un peu du zeste de yuzu ou encore de jaune d’œuf…
Sumiso (sauce de miso au vinaigre)
Mélangez du miso, du vinaigre et du sucre (2 : 1 : 1). Cette sauce est notamment utilisée pour un plat appelé « nuta-aé », avec des échalotes pochées, des algues, ou bien des coquillages ou des calamars pochés.
« Mon miso est meilleur que le tien » : les expressions japonaises sur le miso
Tout comme les autres ingrédients de bases tels que le sel, le sucre ou le miel, le miso a généré quantité d’expressions idiomatiques en japonais ; l’une des plus répandues est sans doute « Temae-miso », qui désigne à l’origine le miso qu’on a préparé soi-même. On l’utilise surtout pour se vanter tout en jouant les modestes, dans une phrase d’auto-promotion du style : « J’ai l’air de vous la faire au temae-miso, mais notre auberge est réputée pour ses légumes de montagne » par exemple.
La maxime « les médecins, c’est comme le miso, les plus vieux sont les meilleurs » s’emploie pour exprimer les mérites de l’expérience et de la maturité.
Ou encore, on dira « c’est le miso » pour désigner une astuce ou un détail qui fait toute la différence. En parlant d’une recette de cuisine, par exemple, vous direz : « Dans ma recette, le miso, c’est que j’y ajoute un peu de vin rouge à la fin ! » Du vin rouge, et pas du tout de miso, vous aviez compris.
Ces expressions disent assez combien le miso est considéré comme un produit essentiel dans la vie des Japonais.
« Une soupe de miso éloigne les médecins » dit le
proverbe
Traditionnellement, on disait aussi : « une soupe de miso le matin efface le poison », ou « Dépense ton argent dans le miso plutôt que chez le médecin ». Autant de maximes qui rapprochent le miso de la médecine.
En effet, le soja, l’ingrédient principal du miso, contient une protéine de grande valeur. Cette protéine, qui s’assimile difficilement dans la cuisson ordinaire, se transforme en acides aminés au cours de la préparation du miso. Ce processus favorise aussi la concentration de plusieurs vitamines du soja. Le miso possède l’ensemble des huit sortes d’acides aminés indispensables au maintien vital.
Il contient également des vitamines (B1, B2, B3, B5, B6, B12, E, K, acide folique, biotine), sodium, potassium, calcium, magnésium, phosphore, fer, zinc, cuivre, iode, sans parler des fibres végétales.
Certaines études montrent les effets bénéfiques du miso contre le cancer ou les taux de cholestérol trop important, ainsi que ses fonctions anti-oxydantes ou régulatrices de la tension, bien évidemment lorsqu’il est consommé avec modération car il est aussi très salé ! ■
Comment préparer une
bonne soupe de miso ?
La soupe miso, c’est comme les pâtes italiennes : les ingrédients et le procédé sont on ne peut plus simples, mais on peut les décliner à l’infini en variant les combinaisons.
Les ingrédients pour 2-3 personnes :
❚500 ml de dashi (de l’eau dans laquelle est dilué une saveur d’ingrédient à dashi)
❚2 et ½ cuillères à soupe de miso
❚« gu » : légumes, champignons, algues, tôfu, poissons ou coquillages selon vos goûts.
• Préparer le dashi et le réchauffer.
•Y incorporer le « gu » ; variez la durée de cuisson en fonction du type de légumes ou de champignons que vous avez.
•lorsque le « gu » est cuit, et l’eau encore bien chaude, diluez le miso petit à petit en le filtrant dans une passoire. Eteignez le feu.
Attention ! Une fois le miso incorporé, l’eau ne doit jamais remonter à l’ébullition. La saveur du miso est délicate et s’évanouit facilement s’il est trop cuit.