Les restaurants de sushi pull ulent mais, jusqu’à présent, aucun n’affichait de poisson bio à la carte. « Umi » (la mer en japonais) propose du bar, de la daurade et surtout du saumon bio pour des sushi réalisés par un chef japonais ! Patrick Duval, l’initiateur du projet, nous en explique la philosophie.
Propos recueillis par Ryoko sekiguchi
Comment vous est venue l'idée de faire un restaurant de sushi bio ?
L’idée est partie d’un constat très simple : de plus en plus de gens, en France, aiment les sushi. Cette demande de plus en plus forte a entraîné un accroissement de la production de poissons d’élevage et notamment du saumon, poisson préféré des consommateurs de sushi. Or pour produire plus, il a fallu utiliser de plus en plus d’antibiotiques et de produits chimiques afin de lutter contre les parasites comme le pou de mer. De nombreux reportages diffusés à la télé ont montré que les saumons destinés à être mangés crus sont en réalité dangereux pour la santé au point qu’on recommande d’en limiter la consommation. Un comble !
Or il se trouve que notre principal fournisseur de poisson, R&O, a décidé d’investir dans le bio en produisant lui-même daurades, bars et crevettes bio et en achetant du saumon bio pour ses clients soucieux de la santé de leurs clients… J’ai donc décidé de prendre exclusivement ce poisson-là pour mes deux restaurants de sushi*.
Avez-vous "imité" quelque chose qui existe déjà au Japon ?
Non. Je vais souvent au Japon où je passe beaucoup de temps dans les restaurants car j’organise, une fois par an, un voyage de découverte gastronomique. Je n’ai jamais vu de sushi bio. Même après Fukushima…
Avez-vous déjà goûté du sushi bio ailleurs ?
Non. En Angleterre, aux Etats-Unis, il existe des restaurants de sushi qui militent pour une pêche responsable mais aussi incroyable que cela paraisse, je pense que nous sommes les premiers à lancer le concept de sushi bio.
Comment définiriez-vous le goût des poissons bio : texture, saveur, sensation de la chair lorsqu'elle passe dans la gorge, etc.
Le goût est vraiment différent : plus iodé et plus marqué aussi selon le poisson alors que les poissons d’élevage classique ont tous un peu le même goût... La daurade bio, par exemple, a un petit goût de noisette. La texture est aussi plus ferme car les poissons sont moins nombreux par bassin et peuvent nager, se muscler un peu… C’est surtout frappant pour le saumon que je trouvais de plus en plus insipide et farineux. Avec le saumon bio, on retrouve un vrai goût. Cela m’a réconcilié avec ce poisson. Pour le bar et la daurade, mon chef (japonais) me dit qu’ils sont meilleurs que tout ce qu’il a goûté au Japon ! Enfin les crevettes bio de Madagascar sont tellement goûteuses que je conseille toujours au client de les déguster crues !
Avez-vous visité les lieux d'élevage bio ?
Pas encore mais je compte le faire cette année. Les bars et les daurades sont élevés en Grèce dans des eaux très pures m’a-t-on dit. Quant au saumon, il vient d’Irlande alors que la quasi totalité des saumons d’élevage vient de Norvège.
Y a-t-il des menus particuliers à conseiller (type de poissons, plats) pour prendre conscience de la différence de goût ?
Le mieux, pour apprécier la qualité des poissons est de les goûter en sashimi. Mais le sushi c’est d’abord l’alliance entre un bon poisson et du riz vinaigré. Je conseillerai donc, dans un 2e temps, de les déguster en nigiri. C’est du reste dans cet ordre que l’on procède généralement au Japon. Nous avons aussi du riz bio, importé d’Italie.
Qu’en est-il des tarifs ?
Le poisson bio ne coûte-t-il plus cher ?
Un peu mais pas tant que cela. Au bar à sushi où nous sommes aussi passés au bio, nous avons en moyenne augmenté nos prix de 2,50 euros par assortiment.
Comment réagissent les clients ?
En général très bien. Ils se disent qu’ils vont pouvoir se remettre à manger du poisson cru sans s’inquiéter pour leur santé ou celle de leurs enfants. Beaucoup m’ont dit qu’ils préféraient, à la rigueur, manger moins souvent du poisson cru mais de meilleure qualité.
Est ce que tout est bio dans vos restaurants ?
Non. Pour les poissons, nous utilisons aussi beaucoup d’espèces sauvages comme le maquereau, le chinchard, la sardine et surtout le thon qu’on ne peut pas élever. Nous utilisons un riz bio italien importé par Foodex. Pour les autres ingrédients (sauce soja, algues…) nous prenons du bio quand on en trouve sur le marché à des prix raisonnables.
*Umi, 119 bis rue Cardinet Paris 75017 et Le Bar à sushi Izumi, 55 bd des Batignolles, 75008 Paris.